Isabelle Lévy

Isabelle Lévy (22 juin 1960 à Bône en Algérie) est une écrivaine, conférencière et formatrice française. Auteure de plusieurs livres sur l’hôpital et sur les pratiques religieuses. Ses nombreux ouvrages contribuent à la documentation des acteurs sociaux au sujet des évolutions de la santé et de la société (depuis 1996) ainsi qu’à la prise en compte des rites, cultures et religions dans les établissements de santé ; cela dans les limites prévues par la législation française et le respect de la laïcité. Elle s’est intéressée par ailleurs à l’histoire anecdotique des grandes découvertes médicales (physiologie et instruments) et au Prix Nobel (biographie d’Alfred Nobel, histoire du prix et de ses lauréats).

Rencontre avec Isabelle Lévy

Une femme passionnée par les différentes expressions et rites religieux. Conférencière spécialisée, elle est particulièrement sollicitée en cette année 2005, anniversaire de la loi de 1905, sur la laïcité française. De retour d’un voyage en Inde, elle nous a offert cet entretien. 


Arrêt aux pages : Comment vous êtes-vous intéressée aux pratiques religieuses à l’hôpital ?

Isabelle Lévy : Comment je me suis tournée sur ce sujet ? Tout simplement, à l’époque, je travaillais déjà dans les hôpitaux, dans les équipes de direction, et très souvent, nous étions confrontés à des problèmes d’accueil et notamment d’accueil des patients étrangers qui nous interpelaient sur les pratiques religieuses à l’hôpital. Mais c’était quand même assez ponctuel comme demande, et nous réglions au coup par coup et cela se passait fort bien. Et puis, dans les années 1995, ces demandes émanaient de personnes vivant à l’étranger et venant se soigner en France, mais de personnes vivant en France, de nationalité étrangère ou non. Et des demandes, de personnes aussi bien d’origines musulmanes, ou juives, chrétiennes, ou autres. Parfois bouddhistes. Donc, nous avions ces demandes que nous réglions au coup par coup jusqu’au jour où on a eu un gros problème à l’hôpital Paul Brousse, où je travaillais. Un papa a perdu un jeune enfant d’une leucémie. C’était une mort annoncée, mais c’était une mort qu’il n’a pas acceptée. Alors qu’auparavant, il s’entendait parfaitement bien avec le personnel hospitalier masculin, féminin, musulman ou non, au moment du décès, de par la peine, il s’est complètement barricadé dans la chambre et ne voulait pas qu’on approche le corps de son enfant. Et bien sûr, nous avions peur qu’il attente à sa vie. Et on a essayé de parlementer à travers la porte un maximum, ça ne passait pas. On a fait intervenir des gens de la religion musulmane dans le personnel, ça ne passait pas. Et un surveillant général a eu la bonne idée d’appeler la mosquée de Paris, où là le Recteur, M. Boubakeur, a téléphoné dans la chambre, à ce papa, qui a accepté de lui répondre - parce-ce que c’était un recteur de mosquée, un imam - et a réussi à parlementer avec lui, et à lui assurer que s’il ouvrait la porte de cette chambre aucun membre du personnel ne toucherait au corps de son enfant et que du personnel de la mosquée viendrait prendre en charge le corps défunt au niveau de la toilette et de la préparation du corps. Et donc, cela s’est passé ainsi. Comme le veut l’islam. On a pu patienter jusqu’à ce que le personnel de la Mosquée arrive. Et là, je me suis aperçue qu’il y avait une méconnaissance des pratiques religieuses.

Et que l’hôpital ne laissait pas toujours la place, qui était due, à ces pratiques, estimant trop que l’hôpital était un lieu technique, un lieu de soins, et non pas un lieu humain, de relations.

Et là, quelques surveillants ont fait un petit travail, un petit livret qui à l’époque, s’appelait Rites et religions, reprenant les très grandes lignes des pratiques religieuses, des cinq grandes religions et étant chargée de communication, on m’a demandé de leur remettre en forme à l’intention du personnel de l’hôpital. Il y avait des petites erreurs, donc on a repris avec l’aide des aumôniers pour le parfaire au maximum, et ensuite on l’a photocopié. Déjà, ce travail m’a franchement intéressée. Je m’intéressais déjà aux religions, mais cela personne ne le savait, c’était une affaire totalement privée, j’ai découvert le lien médecine-religions, que je n’avais pas du tout imaginé, mais aussi le lien avec le droit, avec l’obligation pour l’hôpital public, comme le veut la loi de 1905, de prendre en charge le patient tout en tenant compte de sa pratique religieuse, dans les limites de la loi et de l’organisation hospitalière. Ce livret a eu un tel succès, que nous l’avons photocopié dans des milliers d’exemplaires pour les hôpitaux de l’assistance publique et un jour, j’ai dit "il n’y a pas que l’Assistance publique, qui rencontre ce genre de problèmes, nous pourrions peut-être le faire éditer. Et là, nous l’avons envoyé à une vingtaine d’éditeurs, et en même pas une semaine, nous avions trois propositions positives et c’est comme ça que "Rites et religions" a été publié chez Estem. Ensuite, nous avons été invités à quelques conférences pour animer et expliquer notre travail. En répondant à ces demandes de conférences, j’ai pris conscience que le personnel soignant, comme peut-être beaucoup de monde aujourd’hui en France, n’avait pas de pratiques religieuses, mais surtout n’avait pas de connaissances, je ne parle pas de foi, je parle de connaissances, et penser que si eux-mêmes avaient fait une démarche de non pratique religieuse dans leur quotidien, ils se rendaient compte que d’autres personnes, françaises ou de même origine qu’eux, avaient au contraire une attache importante dans cette pratique, et peut-être même de façon plus importante quand ils étaient hospitalisés, que ce soit lors d’une grave maladie, lors d’une intervention, ou même lors d’un accouchement. Et qu’ils ne pouvaient pas oublier cette attache. Cela voulait dire ne pas pouvoir prendre en charge globalement le patient, comme on nous le demande. Et donc, prenant conscience de cette étendue de connaissances à devoir faire passer au personnel hospitalier, je me suis lancée, j’ai quitté l’Assistance publique de Paris, et je suis donc devenue formatrice en ce domaine dans les hôpitaux de France, dans les écoles d’infirmières, aujourd’hui appelés Instituts de soins infirmiers, pour pouvoir non pas annoncer la bonne parole, mais annoncer ce message, qu’il faut savoir soigner en tenant compte des pratiques religieuses et culturelles des patients. Et puis, un jour, je me suis retrouvée dans un grand amphithéâtre à l’hôpital Henri Mondor, devant 200 étudiants infirmiers, et après 3 heures de conférence, une jeune file m’a demandé les références de mon ouvrage. J’ai donc dit "Rites et religions "aux éditions Estem. Celui-là, je l’ai, me répond-elle. L’autre. Il est vrai qu’il n’y avait pas de livre sur la pratique religieuse par-rapport aux soins. C’est vrai, que l’on peut lire énormément de livres sur mais cela n’est pas appliqué dans le quotidien. Et donc, grâce à cette jeune fille, j’ai donc écrit "Soins et croyances" aux éditions Estem, et qui là a donné un renouveau aux demandes. Demandes d’articles, de conférences, de participation à des congrès. Et puis, j’ai eu beaucoup de retours de lecteurs, me demandant encore plus de détails. Et c’est pour cela, que quelques années après, j’ai écrit "Croyances et laïcité", avec plus de références législatives, des cas concrets et beaucoup plus de détails sur les pratiques au quotidien à l’hôpital, sur aussi bien concernant, l’alimentation, le soin, l’hygiène, les rites funéraires etc. En mettant un maximum d’informations, en se disant, il faut aussi savoir prendre un peu de recul. Chacun n’applique pas à la lettre l’ensemble des pratiques, mais que ces pratiques peuvent se retrouver chez certains patients et qu’elles soient connues de la part des soignants, mais aussi de la part des médecins pour une meilleure prise en charge. Et puis, il y a eu "Religions à l’hôpital" paru aux Presses de la Renaissance. Il m’a semblé en effet important de répondre à des questions. Dans ce livre, je pose 70 questions auxquelles je réponds simplement. Je m’adresse aussi bien au soignant et au médecin, qui veut une réponse rapide, sans recherche particulière. Ou bien, pour le patient et sa famille, qui eux aussi s’interrogent sur ses droits et ses devoirs à l’hôpital, en matière religieuse. Ce qu’il a le droit de faire, et ce que les religions aussi lui autorisent de ne pas suivre dans le cadre d’une hospitalisation. Il est vrai que ce livre est extrêmement pratique d’accès, beaucoup plus que les précédents, parce qu’il s’adresse à un plus large public. Donc, je précise bien. Je ne suis pas infirmière, je ne suis pas médecin. Je suis simplement quelqu’un qui a côtoyé énormément de patients par mon travail de secrétaire médical, puis par mon travail d’adjoint des cadres hospitaliers de l’Assistance de Paris. Par cette observation, par cette interrogation, par ces rencontres d’aumôniers, de soignants, j’ai pu faire des liens entre les pratiques religieuses, entre l’organisation hospitalière, et bien entendu le droit, qui nuance énormément les pratiques à l’hôpital.

Arrêt aux pages : Est-ce que vous avez constaté que la différence entre les demandes des patients et les réponses des soignants étaient de plus en plus grandes ?

Isabelle Lévy : Je dirai qu’il y a beaucoup de soignants qui aujourd’hui encore ne se rendent pas compte de l’importance de la pratique religieuse chez certaines personnes dans leur quotidien. estimant qu’eux-mêmes ont fait l’impasse, ils estiment que chacun devrait en faire autant. Alors est-ce que Dieu existe, ou est-ce qu’il n’existe pas, je n’en sais rien. Ce n’est pas à moi de l’annoncer dans mes ouvrages, dans mes conférences. C’est une affaire complètement personnelle. Si certaines personnes y font référence, en tant que personnel soignant ou personnels médicaux, si nous devons prendre en charge une personne, nous la prenons en charge globalement. Et si une personne a des croyances, l’important n’est pas de dire, je suis d’accord, ou pas d’accord avec vous, mais j’en tiens compte. Et si le fait d’en tenir compte ne m’empêche pas de vous soigner, avec les meilleurs moyens possibles, il est évident que je dois le faire ainsi. De par le fait que je suis soignant, et aussi parce-que la loi française l’exige. La laïcité en France, ce n’est pas : aucune pratique religieuse, c’est la liberté de pratique religieuse, si cette liberté ne va pas à l’encontre de la loi. Et entre autres, au niveau de l’hôpital, comme au niveau des prisons, la loi de 1905 prévoit la pratique religieuse des personnes qui s’y trouvent. C’est-à-dire, aussi bien les prisonniers que les patients. Et donc, les patients ont tout à fait le droit d’une pratique religieuse à l’hôpital. Ils ont le droit de refuser certains aliments, ils ont le droit de refuser certains soins, de pouvoir prier, mais sous certaines conditions. Et ce sont ces conditions-là qui doivent être connus de la part des soignants. En sachant que cette pratique ne doit jamais aller à l’encontre de l’état de santé du patient, mais aussi à l’encontre des consignes de sécurité et d’hygiène du règlement intérieur de l’hôpital. Les religions ne doivent pas mettre en danger la santé du patient et mettre en avant un rite. C’est une information importante à donner de la part des soignants, malheureusement, elle n’a pas toujours acquise lors des formations en Instituts des soins infirmiers. Ce sujet n’est absolument pas abordé dans les études médicales et de l’autre côté, il faut que patient et famille soient infirmiers. On ne peut pas tout demander, tout pratiquer à l’hôpital. Par-exemple, allumer un cierge dans une Eglise ou dans un temple, pourquoi pas. Par contre, c’est strictement interdit dans le cadre hospitalier, en raison des explosions dues à la présence d’oxygène. Vous voyez, ce n’est pas de l’ordre de la religion, mais de la sécurité avant tout. Même chose. On a le droit de jeûner pour x raisons à l’extérieur, quand on est en bonne santé. Il est évident, que lorsqu’on est atteint de diabète, que l’on vient de se faire opérer, ou que l’on est très fatigué, se priver de nourriture, ou de boisson, comme de l’eau, peut atteindre l’ordre vital. Et là, les soignants ne peuvent pas l’admettre. Donc, apprendre à chacun ces notions. Je n’ai pas de réponse toute faite, de recettes, tout dépend des cas. Et donc, en fonction de la situation posée, est-ce que je dois ou non accepter cette pratique religieuse ? ou est-ce que je dois tout simplement peut-être la nuancer. Parce-que nous sommes dans un cadre hospitalier, ou parce-que nous sommes dans le cas d’une certaine pathologie.

Arrêt aux pages : D’où la nécessaire obligation de connaître les impératifs religieux auxquels les personnes sont soumises ?

Isabelle Lévy : C’est cela. Ne pas dire, moi, je n’y crois pas, je n’ai pas à les respecter. Ce n’est pas la personnalité, ou la croyance du soignant qui est mise en avant, c’est simplement la pratique religieuse du patient. Et donc, indépendamment de sa croyance ou de sa non-croyance, le soignant doit accepter d’écouter la demande et de l’étudier en fonction de la situation donnée, indépendamment de sa propre perception religieuse. Ce n’est pas toujours facile. Mais j’ai vu des personnes franchement athées, qui étaient très respectueuses de la pratiquer religieuse de l’autre, en disant : après tout, ça ne me dérange pas. Je respecte sa demande, tant que ça ne va pas à l’encontre du soin, et à l’encontre de la sécurité des lieux et des personnes. Et c’est la meilleure attitude. De même, une personne catholique pratiquante doit respecter la croyance d’un musulman, d’un bouddhiste ou d’un autre. Peu importe. On a le devoir de ce respect, tout en s’oubliant. Car il faut rappeler, si nécessaire, que les personnels hospitaliers, quel que soit leur grade ou leurs responsabilités, ont un devoir de neutralité religieuse, dans la croyance ou non. C’est à dire, qu’en fait, on ne doit pas ce qu’ils sont. On ne doit pas savoir s’ils sont athées, musulmans, bouddhiste, orthodoxes. C’est une infirmière, une aide-soignante, un médecin. Et ce sont ces personnes-là qui vont prendre en charge un patient qui, éventuellement, se raccroche à une pratique religieuse. Cette neutralité religieuse est importante. Je l’ai vue chez des personnes complètement athées, ou extrêmement croyantes, oubliant leur propre pratique, étant simplement des soignants, prenant simplement en charge des patients. Ce n’est pas toujours simple. Mais, en même temps, c’est un devoir. Le médecin, le soignant, ne doit jamais pratiquer avec le patient. Il ne doit jamais aider le patient à pratiquer. Si on laisse prier le patient, comme il en a le droit, dans sa chambre, qui est un espace privé, ou dans un lieu de culte aménagé à l’hôpital pour cela, on ne peut pas pour autant, prier avec lui. Lui donner sa Bible ou le Coran dans les mains, cela ne veut pas dire, rester et prier avec lui. Lui donner le bon plateau ne comportant pas par-exemple de porc, de viande ou d’autre chose, c’est respecter la pratique religieuse du patient. Mais, le patient n’a pas le droit d’exiger de son soignant qu’il soit de la même pratique religieuse que lui. Car souvent, on a dit dans les médias, que certains patients exigeaient que le soignant soit du même sexe, et maintenant de plus en plus souvent, on voit des patients qui exigent que le soignant soit de la même religion que lui. Ce qui est inadmissible. Si vous même, vous mangez du porc, c’est votre droit privé. Par contre, si vous avez en face, un patient qui vous demande de ne pas manger du porc, vous avez le devoir de faire en sorte que sur son plateau, il n’y est pas de porc.

Arrêt aux pages : Respect, neutralité... humanisme, fermeté. Dans l’obligation de la laïcité.

Isabelle Lévy : nul n’a le devoir de faire du prosélytisme, dans un sens ou dans un autre. C’est-à-dire que le patient n’est pas là pour expliquer sa pratique religieuse, sauf s’il explique qu’il ne peut pas faire ci ou ça, car sa pratique religieuse, à ce moment-là, dans cette fête là lui empêche de faire ceci ou cela, par-rapport aux soins. Mais, il ne fait pas du prosélytisme. Même chose, le soignant, ne doit pas non plus de grands discours. Il doit s’en tenir à la pathologie, au traitement. Ce ne doit jamais être des discours sur l’approche de la vie. On n’est pas là, à l’hôpital, pour discuter de religion, mais pour prendre en charge les patients par les soignants. Donc si une pratique religieuse va à l’encontre d’un traitement ou d’un état de santé, on va en parler, mais ce n’est pas cela qu’on doit aborder l’existence de Dieu ou la pratique religieuse au quotidien en permanence avec les patients. Cela, c’est strictement interdit. Le prosélytisme est interdit à l’hôpital.

Arrêt aux pages : Cette année, on parle beaucoup de laïcité. Faites-vous un parallèle entre la laïcité à l’école et la laïcité à l’hôpital ?

Isabelle Lévy : Le contexte est totalement différent. C’est vrai, qu’on a parlé beaucoup de la laïcité par-rapport à l’école, par-rapport à la société, ce qui me semble normal, puisque nous sommes amenés à vivre tous ensemble avec des croyances diverses. Ce qui est une chance pour la France. Toujours est-il que par-rapport à l’hôpital, c’est particulier. Parce-que lorsque vous mettez votre enfant à l’école, il peut simplement y aller chercher des cours, revenir à la maison déjeuner, et y retourner l’après-midi, et donc toute sa pratique religieuse, il peut l’avoir à la maison. Soit pour choisir ses aliments, soit pour prier. Donc, il est évident qu’à l’école, et en plus du fait que ce soit, la pratique religieuse n’a pas de raison d’être. Et les professeurs doivent montrer cette neutralité, dans leur tenue et dans leur parole et leur comportement. En ce qui concerne l’hôpital, et je disais tout à l’heure les prisons, c’est différent. On y retrouve les mêmes obligations de par la loi, aussi dans les maisons de retraite, et aussi dans les internats. Pourquoi ? Parce-que ce sont des individus qui sont enfermés nuit et jour. Alors, on peut être à l’hôpital pour trois jours, mais on peut être aussi hospitalisé pour deux mois, six mois, 20 ans. Tout dépend de la pathologie. Il est évident, que si le libre exercice du culte existe en France pour tous, il ne peut pas être interdit à une personne qui est malade, ou une personne qui est emprisonnée. Parce-que même si cette personne a tué quelqu’un, de quel droit peut-on l’empêcher de se rattacher à une croyance ? Donc, en France, le libre exercice du culte existe pour tous, y compris dans certaines institutions publiques, pour les personnes qui s’y trouvent et non pas pour les personnels qui doivent toujours afficher cette neutralité, car ces personnels vont et viennent chaque jour entre leur domicile et leur lieu de travail. Alors que la personne qui s’y trouve pour 3 jours, 3 mois ou pour 20 ans, va être nuit et jour présente, et si elle a des pratiques religieuses à respecter selon elle, on ne peut pas l’en empêcher, sauf si ça va à l’encontre du règlement intérieur, ou par-rapport à des questions de sécurité, ou des questions de prise en charge. Comme on n’a pas le droit d’empêcher un prisonnier d’assister à la messe, on n’a pas le droit d’empêcher une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer d’assister à la messe, ou de recevoir un aumônier à son chevet, ou on n’a pas le droit de ne pas respecter une demande alimentaire, par-exemple de ne pas manger de viande, si cette personne ne se met pas en danger pour autant. Il est évident que si cette privation de viande pendant 6 mois, comme j’ai pu l’entendre dans un hôpital, met en péril la santé d’une future maman, il est évident que là, les médecins doivent œuvrer dans le sens de la convaincre de manger de la viande, et éventuellement faire appel à l’aumônier correspondant à sa religion, pour lui faire entendre qu’elle est en train de mettre en danger sa propre vie et celle de son futur enfant.

Arrêt aux pages : C’est la sphère privée qui rentre dans une sphère publique. D’où la nécessité de faire une adaptation particulière.

Isabelle Lévy : Voilà. Dans le contexte de l’hôpital, d’abord parce-que la loi fait cette distinction. Mais en même temps, cela me semble une évidence, parce qu’on n’est plus dans le même contexte. C’est vrai que si vous êtes hospitalisé et que vous sortez le soir, vous pouvez ne pas pratiquer votre religion, ce n’est pas véritablement dramatique. Par-contre, si vous êtes hospitalisé plus longtemps, cela pose problème. Pourquoi, dès qu’on est dans une maison de retraite, on n’aurait plus aucune pratique religieuse. Cela ne serait pas normal. Ce ne serait pas vraiment la liberté ... de culte. Et donc, les autorités publiques ont une obligation, dans les lieux qui sont fermés, de permettre à leurs résidents, de pratiquer leur culte - dans les limites que je viens d’expliquer - de mettre à leur disposition des aumôniers des diverses religions qui sont représentées, un lieu de culte qui peut être et de permettre un certain nombre de pratiques au niveau de l’alimentation. C’est quelque chose qui est bien introduit par la loi, mais souvent méconnu.

Arrêt aux pages : Les colloques sur la laïcité vont peut-être changer tout ça ?

Isabelle Lévy : Nous l’espérons.


Propos recueillis par Guylène Dubois, à Créteil le 29 août 2005 et publiés sur le site : www.arretauxpages.com

Bibliographie complète d’Isabelle Lévy

  • Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans – Presses de la Renaissance (2013) – 3e version
  • Guide des rites, cultures et croyances à l’usage des soignants – De boeck / Estem (2013)
  • Le guide des acteurs d’urgence face aux pratiques culturelles et religieuses avec Loïc Cadiou – Editions SETES (2012)
  • Vivre en couple mixte. Quand les religions s’emmêlent... – Editions l’Harmattan (2011) - Réédition
  • Menaces religieuses sur l’hôpital – Presses de la Renaissance (2011)
  • Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans – Pocket (2011)
  • Français et musulman : est-ce possible ? – Presses de la Renaissance (2010) – En collaboration de Khalil Merroun, recteur de la Grande Mosquée d’Evry-Courcouronnes.
  • Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans – Presses de la Renaissance (2010) – 2e version
  • Les soignants face au décès – Ed. Estem (2009)
  • Soins, Cultures et Croyances. Guide pratique des rites, cultures et religions à l’usage des personnels de santé et des acteurs sociaux – Ed. Estem (2008) – 2ème édition revue et augmentée.
  • La femme, la République et le Bon Dieu. La place des femmes dans la société est-elle menacée par les religions ? – Presses de la Renaissance (2008) – En collaboration d’Olivia Cattan.
  • Vivre en couple mixte. Quand les religions s’emmêlent... – Presses de la Renaissance (2007) (épuisé)
  • La religion à l’hôpital – Presses de la Renaissance (2004) (épuisé)
  • Mémento pratique des rites et des religions à l’usage des soignants – Ed. Estem (2006)
  • Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans – Presses de la Renaissance (2003) (épuisé)
  • Croyances & Laïcité. Guide pratique des cultures et des religions. Leurs impacts sur la société française, ses institutions sociales et hospitalières – Ed. Estem (2002)
  • Nobel. 100 ans de prix. 100 ans d’histoires – Ed. Josette Lyon/Ville de Sevran (2001)
  • Soins & Croyances – Ed. Estem (1999) nominé pour le Prix Prescrire 2000 (épuisé)
  • Rites et Religions – Ed. Estem (1996) (épuisé)
  • Le Dictionnaire des Prix Nobel – Ed. Josette Lyon/Ville de Sevran (1996) (épuisé)
  • D’Hippocrate aux pères de la Génétique – Ed. de Santé/Ed. Josette Lyon (1996)
  • Histoire Anecdotique des Instruments Médicaux – Ed. Josette Lyon (1995)